L’obligation de nécessité et de proportionnalité des mesures de police administrative a de nouveau été rappelée par le juge administratif. Dans cette affaire, à l’occasion d’une mesure préfectorale interdisant les articles pyrotechniques c’est à dire les feux d’artifice. L’interdiction était très générale puisqu’elle portait sur « la vente, le port, le transport et l’utilisation des pétards, des artifices dits de divertissement et des articles pyrotechniques des catégories C1, F1, C2, F2, C3, F3, C4 et F4 dans l’ensemble des communes du département du Var pour la période du 16 décembre 2020 au 6 janvier 2021 inclus ». La mesure était contestée par le syndicat des fabricants d’explosifs, de pyrotechnie et d’artifices et plusieurs sociétés du secteur.
L’obligation de justifier la nécessité et la proportionnalité de la mesure d’interdiction
Le régime des mesure de police administrative est rappelé par le tribunal administratif de manière classique:
« Une mesure de police n’est légale que si elle est nécessaire au regard de la situation de fait existant à la date à laquelle elle a été prise, éclairée au besoin par des éléments d’information connus ultérieurement. Toutefois, lorsqu’il ressort d’éléments sérieux portés à sa connaissance qu’il existe un danger à la fois grave et imminent exigeant une intervention urgente qui ne peut être différée l’autorité de police ne commet pas d’illégalité en prenant les mesures qui paraissent nécessaires au vu des informations dont elle dispose à la date de sa décision. La circonstance que ces mesures se révèlent ensuite inutiles est sans incidence sur leur légalité mais entraîne l’obligation de les abroger ou de les adapter. »
Le juge administratif relève que dans cette affaire que le préfet « ne se prévaut d’aucun motif qui justifiait, à la date de leur adoption ou ultérieurement, les différentes interdictions portant sur les articles pyrotechniques présentant un risque intrinsèque très faible ou faible » En outre, « la circonstance alléguée que de tels articles pyrotechniques, destinés à un usage privé ou confiné, pourraient servir à couvrir le bruit de détonations d’armes à feux n’est aucunement étayée. Le juge rappelle l’obligation de justifier des circonstances locales en ajoutant que ce motif ne présente, en tout état de cause, aucune spécificité au regard du département du Var et de la période des fêtes de fin d’année 2020. »
Le juge écarte également l’argument tiré de la situation sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. En effet, » il ne résulte pas de l’instruction que la réalisation de rassemblements en plein air de particuliers pour la durée limitée de tir de feux d’artifices privés, qu’ils soient organisés sur des propriétés privées ou sur la voie publique, ou tout autre usage licite d’articles pyrotechniques, faisait courir un risque particulier de contamination ou aurait fait l’objet d’alertes particulières de la part des autorités sanitaires. »
Des incident isolés ne suffisent pas à justifier l’interdiction
Le dernier argument en défense du préfet tenait au » risque d’emploi de mortiers dans des conditions dangereuses pour les personnes et les biens et notamment d’agressions au moyen d’articles pyrotechniques de type « mortier » permettant des tirs orientés » suite à des incidents où des feux d’artifice avaient été utilisés pour lance des « tirs de mortier ». Le juge relève qu’il s’agissait d’incidents isolés qui ne justifiaient pas à eux seuls une interdiction générale et absolue à l’échelle du département d’acquisition et d’usage de tous les articles de type « feux d’artifices ».
En revanche ces évènements « sont de nature à établir le caractère nécessaire, dans les zones urbanisées du département, d’une interdiction de port, de transport et d’usage des articles d’artifices pouvant être employés comme des armes par destination ou présentant une dangerosité particulière ».
Le juge administratif annule donc l’arrêté préfectoral mais seulement en tant qu’il a fixé des interdictions excédant les seules interdictions de port, de transport et d’utilisation des articles d’artifices des catégories F3, F4, T2 et P2 dans les zones urbanisées du département du Var.
TA Toulon, 3e ch., 19 janv. 2023, n° 2003560