Condamnation de l’Etat en raison d’une éviction pour inaptitude injustifiée d’un élève de l’école de police

Que peut faire un élève d’une école publique évincée irrégulièrement ? Agir en action indemnitaire nous explique la cour administrative d’appel de Lyon à propos d’un élève gardien de la paix à l’école de police.

Le contentieux indemnitaire faisait suite à une annulation du licenciement pour inaptitude totale et définitive de l’élève policier suite à un vice de procédure.

Ce licenciement illégal constitue une faute de l’administration de nature à engager sa responsabilité. En effet, sans ce vice de procédure, la décision n’aurait pas pu légalement intervenir car la plupart des avis médicaux ne concluaient nullement au caractère définitif de l’inaptitude et envisageaient la possibilité que l’incapacité soit temporaire.

Le juge rappelle en suite que le mécanisme de responsabilité à l’égard des agents publics évincés:

« en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. »

« Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité. Pour l’évaluation du montant de l’indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l’intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l’exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l’agent a pu se procurer C… son travail au cours de la période d’éviction. »

Les préjudices suivants sont retenus:

  • Un préjudice financier, pour les pertes de revenus pendant l’éviction de l’agent jusqu’ à sa réintégration. Ce dernier porte sur le traitement qui aurait été le sien, mais également sur les primes et indemnités (indemnité de résidence, indemnité de sujétion spécifique de police, allocation de maîtrise. Le juge l’estime à 155 000 euros.
  • Un préjudice de carrière tenant au retard de plus de huit années pris dans le déroulement de sa carrière. Ce dernier résulte de la  comparaison entre le montant des traitements et primes que l’intéressé a vocation à recevoir au cours de sa carrière et ceux auxquels il aurait pu prétendre sans un tel retard, en tenant compte du nombre et de la durée des échelons de son grade, de la grille indiciaire qui leur est applicable et de la différence entre l’échelon auquel il pourra prétendre en fin de carrière et celui auquel il aurait pu prétendre sans un tel retard, sur le fondement de la reconstitution des traitements et indemnités. Ce préjudice est fixé à 25.000 €
  • Un préjudice moral, estimé à 15.000 €.

Au total, l’administration est condamnée à verser 195 000 euros à l’agent public (sans compter les intérêts).

Décision commentée : CAA Lyon, 3e ch. – formation à 3, 25 janvier 2023, n° 22LY01692.