Le tribunal administratif de Paris rappelle la possibilité d’agir pour demander que cesse la situation de harcèlement et qu’il soit enjoint à l’administration de prendre les mesures nécessaire.
Le fondement légal est celui de l’article L. 133-2 du code général de la fonction publique selon lequel : « Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ».
Le juge rappelle le régime juridique de la preuve spécifique en matière de harcèlement:
« Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement. Il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu’ils sont constitutifs d’un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l’agent auquel il est reproché d’avoir exercé de tels agissements et de l’agent qui estime avoir été victime d’un harcèlement moral.
En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l’existence d’un harcèlement moral est établie, qu’il puisse être tenu compte du comportement de l’agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l’agent victime doit alors être intégralement réparé. »
L’affaire portée devant le juge administratif de Paris était relative à un harcèlement moral au sein de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Le harcèlement est reconnu par le tribunal en raison d’un faisceau d’indices concordant:
- une alerte avait été émise par les secrétaires du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail quant aux inquiétudes et fortes tensions au sein du personnel de la bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne
- Mme C avait alerté la vice-présidente et le médecin de l’université de son isolement organisé par la directrice de la bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne qui l’écartait volontairement des processus d’instruction et de décisions sur les dossiers de sa direction et de plusieurs réunions, ne répondait pas à ses courriers électroniques et de ce qu’elle était confrontée à son hostilité, à des critiques permanentes, des consignes contradictoires ou inutiles et à de la dissimulation d’information.
- La responsable du service des moyens généraux de la bibliothèque, qui a démissionné le 15 avril 2022 en raison des difficultés rencontrées avec cette même directrice, a également alerté la vice-présidente de l’université de ce que celle-ci avait rompu toute communication notamment avec Mme C, qu’elle ne l’associait plus aux décisions prises, qu’elle était éruptive, agressive, irascible et colérique, favorisant un fonctionnement clanique de la direction et qu’elle adoptait un ton désobligeant voir insultant à l’égard de certains de ses collaborateurs
- En outre, cette directrice a tenté de faire obstacle à la promotion de Mme C au grade de conservateur en chef des bibliothèques.
- Enfin, il ressort des certificats médicaux produits par Mme C qu’elle est atteinte de symptômes dépressifs marqués.
Le juge considère en conséquence qu’en « ne prenant aucune mesure concrète permettant de protéger Mme C des agissements de harcèlement moral qu’elle expose subir de la part de la directrice de la bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne, alors que la protection fonctionnelle lui a été accordée, la présidente de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation. »
Le juge considère que la décision de la présidente de l’université refusant implicitement de prendre des mesures permettant de protéger la victime, alors qu’il lui appartient de prendre toute disposition organisationnelle d’encadrement ou de médiation de nature à faire cesser la situation conflictuelle au sein de la bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne, doit être annulée.
Le juge fait injonction à la présidente de l’université de prendre toute mesures concrètes et appropriées permettant à Mme C de ne plus être confrontée à la situation de harcèlement moral ou de nature à faire cesser le harcèlement moral subi.
Le harcèlement se résout souvent au tribunal administratif par des actions indemnitaires ayant pour objet de faire indemniser les préjudices subis, procédures longues et peu utiles pour faire cesser le harcèlement . L’obtention d’injonction de ce type est une alternative utile à ces actions indemnitaires.
TA Paris, 5e sect. – 3e ch., 17 mai 2023, n° 2217576.