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Harcèlement et souffrance des enseignants

Le cabinet a été interrogé par le Dauphiné libéré suite au suicide  d’une enseignante victime de harcèlement homophobe. Ce dernier met en évidence un double enjeu juridique et institutionnel : celui de la protection de la santé des agents de l’Éducation nationale, et celui de la responsabilité de l’administration en cas de manquement.

  1. L’obligation de sécurité de l’employeur
    En tant qu’employeur public, l’État est tenu par une obligation de sécurité et de protection de la santé de ses agents. Cela comprend la prévention des risques psychosociaux, la mise en place de dispositifs d’accompagnement et la réaction face à des situations de harcèlement ou de menaces. Lorsque cette obligation n’est pas remplie, la responsabilité de l’administration peut être engagée, tant sur le plan disciplinaire qu’indemnitaire.

  2. Le tabou des suicides dans l’Éducation nationale
    Comme le souligne l’article, l’administration peine à reconnaître et à communiquer sur les cas de suicides de personnels, préférant souvent qualifier les drames d’« actes personnels ». Pourtant, la jurisprudence admet de plus en plus souvent le caractère « imputable au service » de tels gestes lorsqu’ils sont liés à l’exercice des fonctions, comme ce fut le cas pour Christine Renon en 2019. Cette reconnaissance est essentielle, car elle ouvre des droits aux familles et met en lumière les défaillances institutionnelles.

  3. La pénurie de dispositifs médicaux et psychologiques
    La carence en médecins du travail dans l’Éducation nationale est particulièrement préoccupante. Juridiquement, l’administration a l’obligation de mettre en place un service de médecine de prévention efficace pour ses agents. Le manque de moyens constitue une violation de cette obligation et alimente un contentieux croissant en matière de souffrance au travail.

  4. Le droit au signalement et à la protection
    Dans le cas de Caroline Grandjean-Paccoud, la situation de harcèlement homophobe aurait dû entraîner une réaction ferme et immédiate de l’institution. Le Code général de la fonction publique prévoit un droit à la protection fonctionnelle pour tout agent menacé, harcelé ou victime de violences. L’absence de mise en œuvre de cette protection engage directement la responsabilité de l’État.

  5. Un risque contentieux accru
    Face à la multiplication des drames, il est probable que le contentieux s’intensifie, avec des recours devant le juge administratif pour faute de l’État en matière de prévention et de protection de ses agents. Ces procédures, déjà amorcées par certaines familles et syndicats, visent à contraindre l’Éducation nationale à sortir du déni et à mettre en place une politique de prévention réelle.

En somme, ce drame rappelle que derrière l’émotion se cache une question juridique majeure : l’État, en tant qu’employeur, peut être tenu pour responsable de la détresse de ses agents lorsqu’il n’a pas su anticiper, protéger ou réagir à temps.

L’article est à retrouver en ligne:  « L’Éducation nationale ne sait pas répondre au mal-être » : le grand tabou des suicides de profs