A quelle condition le préfet pouvait il fermer des établissements en période de covid en raison de fêtes « clandestines » ? Quelles preuves devaient avoir en sa possession le préfet pour considérer comme établie l’organisation de telles fêtes ? Le tribunal administratif de Dijon nous éclaire sur cette question à propos d’une affaire qui portait sur un gite où s’était selon le préfet tenue une soirée en décembre 2020 Le préfet avait prononcé la fermeture administrative de l’établissement pour une durée de quinze jours au motif que la soirée organisée le 31 décembre 2020 avait entrainé une propagation de la covid-19 et que ces faits constituaient « une atteinte grave à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publique ». La société gestionnaire du gite demandait au tribunal d’annuler cet arrêté et de condamner l’Etat à lui verser une somme de 12 725 euros en réparation des préjudices que lui a causés cette décision illégale.
Le tribunal administratif de Dijon censure la décision du préfet en raison de la fragilité des preuves de la fête litigieuse qui reposaient sur des ouï-dires:
« Il est constant que les faits relatés dans ce rapport ne reposent pas sur un constat auquel auraient procédé les forces de gendarmerie dans la soirée du 31 décembre mais sur la seule déclaration du maire de Saint-Fargeau, commune distante de dix sept kilomètres de la commune de Champignelles, recueillie par l’enquêteur lors d’une réunion informelle le 11 janvier 2021, indiquant que plusieurs agents communaux ou ayant un « lien avec le club de football » avaient été invités à cette soirée et qu’un des participants aurait été déclaré positif à la covid-19. »
Le tribunal prend en compte les preuves plus solides apportées par le gite :
- une attestation du maire de Champignelles qui précise que « le 31 décembre 2020, il n’y a eu aucune fête à l’auberge des Perriaux qui était louée par des particuliers avec un contrat stipulant toutes les précautions nécessaires . Il n’y a eu aucune contamination Covid en janvier ni ensuite ».
- Autre preuve plus originale, la société gestionnaire avait dépêché un huissier auprès du maire de Saint-Fargeau afin qu’il confirme les déclarations faites à l’enquêteur de la gendarmerie. Elle verse à l’instance la sommation interpellative mentionnant que le maire a refusé de répondre aux questions de l’huissier.
- un contrat signé établissant que le 31 décembre 2020 le gité était loué, ainsi que cela était légalement possible depuis le 15 décembre 2020, à un groupe de six personnes qui s’étaient engagées à respecter le protocole sanitaire conforme aux obligations réglementaires et un courriel indiquant qu’aucune d’entre elles n’avait contracté la covid-19.
Le juge administratif considère donc que la soirée de 38 personnes n’était pas établie. L’arrêté du 18 février 2021 du préfet de l’Yonne, qui repose sur des faits dont la matérialité n’est pas démontrée, est donc annulé. La demande indemnitaire est en revanche rejetée.
TA Dijon, 1re ch., 17 novembre 2022, n° 2101942.