Protection des arbres d’alignement : quand l’abattage est annulé par le juge administratif

Les allées d’arbres et alignements d’arbres qui bordent les voies sont-ils protégés? A quelles conditions ces arbres peuvent être abattus ? Comment doivent être justifiées la réalité des  mesures compensatoires exigées dans certains cas d’abattage ? C’est à ces questions que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise répond.

L’affaire portait sur un projet de requalification d’une route départementale sur les territoires des communes de Massy, Antony, Sceaux et Bourg-la-Reine. Ce projet s’accompagnait de l’abattage de onze arbres d’alignement situés du boulevard du Maréchal Joffre au nord de la gare de Bourg-la-Reine. C’est l’autorisation d’abattage qui était contestée.

Le régime de protection est fixé à l’article L. 350-3 du code de l’environnement dans sa rédaction en vigueur, qui prévoyait une interdiction de principe d’abattage…

« Le fait d’abattre, de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres est interdit ».

mais assortie de dérogations pour raison sanitaire ou de sécurité, ou pour des projets de construction. Dans cette dernière hypothèse, des mesures de compensations locales devaient être prévues:

« Des dérogations peuvent être accordées par l’autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction. / Le fait d’abattre ou de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres donne lieu, y compris en cas d’autorisation ou de dérogation, à des mesures compensatoires locales, comprenant un volet en nature (plantations) et un volet financier destiné à assurer l’entretien ultérieur. ».

Le tribunal administratif synthétise le régime en considérant qu’il « appartient à l’autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation ou une dérogation à l’interdiction d’abattre ou de porter atteinte portée aux arbres, de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la nécessité de l’abattage ou de l’atteinte portée aux arbres pour les besoins du projet de construction ainsi que de l’existence de mesures de compensation appropriées et suffisantes. »

Dans cette affaire, l’abattage des arbres semblait bien être « nécessaire » pour les besoins du projet, mais les mesures compensatoires n’étaient pas assez précises voir inexistantes selon la juridictions. Ainsi:

  • L’arrêté attaqué se bornait à indiquer, de manière générale, que « l’abattage des arbres sera compensé par la plantation de nouveaux arbres d’alignement » et que le projet « présente, sur le territoire de la Commune de Bourg-la-Reine, un ratio de 1,7 arbre planté pour un arbre abattu »
  • La notice explicative du dossier d’enquête publique indiquait, sans plus de précisions, que des aménagements paysagers composés de plantations d’arbres seront réalisés en remplacement de ceux existants.
  • L’arrêté indiquait que le Département prend en charge l’entretien ultérieur des arbres plantés en compensation des arbres abattus mais sans rien prévoir de précis.

Le juge administratif considère en conséquence que :

« Ces différents éléments, qui ne sont pas assortis de précisions quant au nombre et à la nature des arbres replantés ainsi qu’au financement de leur entretien, ne peuvent être regardées comme des mesures compensatoires locales appropriées et suffisantes. »

Par suite, les dispositions de l’article L. 350-3 du code de l’environnement ont été méconnues selon le juge et les requérants sont jugés fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 12 août 2019 par lequel le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine a autorisé, par dérogation, l’abattage de onze arbres d’alignement situés boulevard du Maréchal Joffre à Bourg-la-Reine.

TA Cergy-Pontoise, 6e ch., 21 oct. 2022, n° 1912568.


A noter: le régime de protection des arbres d’alignements a été renforcé par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 et un projet de décret a été présenté.

Voir également TA Nice, 5 oct. 2022, n° 2204401 pour une application de l’article L. 350-3 du code de l’environnement telle que modifié par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022.

Affaire où la commune avait renoncé à l’abattage en cours d’instance TA Nantes, 1er juill. 2022, n° 2008913. Affaire où les arbres n’avaient pas été considérés comme faisant partie d’un alignement TA Lyon, 2e ch., 15 sept. 2022, n° 2108436.  Affaire où avait été tenté un référé liberté pour faire cesser l’abattage TA Nantes, 5 févr. 2018, n° 1801086.