Un maire peut-il interdire la pose d’un monument funéraire dans un cimetière de la commune en se prévalant de motifs esthétiques?
La question se posait à propos d’une demande faite par une personne qui souhaitait recouvrir le caveau d’un monument funéraire en granit du Tarn, assorti d’une stèle à pans inégaux et d’un prie-Dieu. Le maire s’y opposait « au motif qu’il contrevenait aux critères paysagers du cimetière au sein duquel prenait place la concession de la défunte ».
Le juge administratif rappelle les pouvoirs du maire en matière de police des cimetières, définis aux termes de l’article L. 2213-8 du code général des collectivités territoriales : « Le maire assure la police des funérailles et des cimetières. ». Aux termes de l’article L. 2223-12 du même code : « Tout particulier peut, sans autorisation, faire placer sur la fosse d’un parent ou d’un ami une pierre sépulcrale ou autre signe indicatif de sépulture. ». Aux termes de l’article L. 2223-13 du même code : «(…) Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux. ». Aux termes de l’article R. 421-2 du code de l’urbanisme : « Sont dispensés de toute formalités au titre du présent code, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, sauf lorsqu’ils sont implantés dans un secteur sauvegardé ou dans un site classé: () i) les caveaux et monuments funéraires situés dans l’enceinte d’un cimetière () ».
Dans cette affaire, le maire fondait son refus sur le fait que le caveau de la défunte se situait « dans un cimetière paysager dont les critères, listés de façon non exhaustive, ne permettent pas la pose de monument funéraire disposant d’une dalle, et sur ce que la création de ce cimetière paysager résulte de la volonté de l’ensemble des habitants. »
Le juge rappelle cependant la liberté dont disposent les familles en matière: » les bénéficiaires d’une concession funéraire peuvent y placer un monument funéraire sans qu’une autorisation préalable de la part du maire de la commune, qui n’intervient qu’au titre de la police des cimetières avec pour seul objet le maintien du bon ordre et de la décence de ces lieux, ne puisse s’y opposer ».
D’autre part, « si cette autorité peut fixer également des prescriptions techniques pour la pose de monuments funéraires, elle n’y est autorisée que pour des motifs de nature à préserver l’hygiène et la salubrité publiques ».
Ainsi, il ne résulte ainsi d’aucune disposition législative, ni réglementaire que le maire dispose du pouvoir de police de l’esthétique des cimetières dans le cadre d’un plan de mise en valeur architecturale et paysagère, quand bien même ce dernier aurait été élaboré par le conseil municipal.
Dans ces conditions, en s’opposant au projet des requérants aux motifs que, d’une part, le caveau de la défunte se situe dans un cimetière paysager dont les critères, listés de façon non exhaustive, ne permettent pas la pose de monument funéraire disposant d’une dalle, d’autre part, la création de ce cimetière paysager résulte de la volonté de l’ensemble des habitants, le maire de la commune d’Espelette a excédé ses pouvoirs de police des cimetières et a, par suite, méconnu les dispositions de l’article L. 2223-13 du code général des collectivités territoriales.
Le juge annule donc la décision du maire d’Espelette du 6 novembre 2020. Le juge fait injonction à la commune d’Espelette de délivrer aux requérants une autorisation pour réaliser leur projet qu’ils sont en droit de réaliser.
TA Pau, 2e ch., 25 avril 2023, n° 2002435.