Droit funéraire et Covid-19

 

Cimetière de Morne-A-l’eau – Guadeloupe

Par plusieurs textes, le législateur et le pouvoir règlementaire sont intervenus ces dernières semaines afin de compléter et adapter les règles en matière de droit funéraire avec les circonstances exceptionnelles que nous impose le Covid-19.

Il s’agit dans cette fiche pratique de résumer les nouvelles dispositions applicables qui concernent l’ensemble des acteurs de la chaîne funéraire : Défunt ; Famille et proches du défunt ; Services de santé ; Entreprises de pompes funèbres ; Communes. L’ensemble des textes et fiches publiées par l’administration est disponible en fin de page.

Pour rappel, une explication du cadre général du droit funéraire est disponible ici :

Ainsi, il sera successivement abordé :

 

  • Les actes consécutifs au décès d’une personne atteinte du Covid-19
  • Les actes des communes
  • Les cérémonies funéraires
  • Les cas particuliers du transport international de corps et de la mise en dépositoire
  • L’adaptation des règles aux professionnels
  • Les textes et avis

 

(Vous pouvez cliquer directement sur la partie vous intéressant)

I.  Les actes consécutifs au décès d’une personne atteinte du Covid-19

La pandémie de Covid-19 a nécessité l’adaptation des règles et actes consécutifs aux décès d’une personne atteinte de cette maladie. Concrètement, il se dégage des dispositions dérogatoires mises en place par le législateur et le pouvoir règlementaire un assouplissement du cadre normatif et des procédures.

1. Le certificat de décès :

Le certificat de décès visé aux articles L. 2223-42, R. 2213-1-2, R.2213-1-4 du code général des collectivités doit nécessairement être rédigé par le praticien qui constate le décès du patient.

Peut ainsi dresser un certificat de décès :

  • un médecin, en activité ou retraité ;
  • un étudiant en cours de troisième cycle des études de médecine en France ;
  • un praticien à diplôme étranger hors Union européenne autorisé à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine, dans des conditions fixées par décret pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecin.

La rédaction du certificat de décès ne saurait donc être déléguée à un quelconque membre de l’équipe médicale (infirmières, personnel administratif, personnels des EPHAD…).

Les textes introduits avec le Covid-19 ont simplifié la transmission de ce document :

Il revient à l’auteur du certificat de décès de transmettre aux autorités les exemplaires dudit certificat. Ce transfert peut être réalisé par tous moyens si une quelconque impossibilité pratique se présente devant les services.

Durant cette pandémie, de nombreux certificats de décès ont pu être transmis par voie électronique aux services communaux. Ces transmissions, si elles ne sont pas irrégulières, devront être, à notre sens, doublées d’une transmission par la voie habituelle lorsque les conditions le permettront (dématérialisation systématique ou transmission des documents).

Un médecin étranger peut-il rédiger et signer un certificat de décès :

Oui, les médecins titulaires d’un diplôme étranger hors Union européenne sont autorisés à signer les certificat de décès jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire visé à l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 (article 2 du décret n° 2020-446 du 18 avril 2020)

2. Les soins apportés au défunt

Du fait du classement du Covid-19 sur la liste des infections transmissibles par l’arrêté du 28 mars 2020 modifiant l’arrêté du 12 juillet 2017 fixant les listes des infections transmissibles prescrivant ou portant interdiction de certaines opérations funéraires mentionnées à l’article R. 2213-2-1 du code général des collectivités territoriales les soins de thanatopraxie (embaumement) sur les patients atteints du Covid-19 sont interdits.

De toute façon, tous les soins de thanatopraxie, peu importe que le défunt soit porteur du Covid-19 ou non, ont été interdis entre le 1er avril 2020 et le 31 avril 2020.

Ont été également interdits durant la même période, les toilettes mortuaires (actes réalisés afin de conserver le respect et la dignité du défunt) sur le corps d’un malade soupçonné ou confirmé du Covid-19.

3. Mise en bière immédiate

Le Covid-19 impose que les patients décédés des suites de cette maladie soient mis en bière immédiatement après leur décès.

La fiche édictée par les services du Ministère de l’Intérieur précise à propos de cette mise en bière immédiate que :

  • le corps ne peut pas être transporté sans cercueil depuis le lieu de décès ;
  • le défunt ne peut pas faire l’objet d’une présentation en chambre funéraire.

En pratique, comment cela se passe ?

Le médecin qui a constaté le décès du patient précise sur le certificat de décès : « mise en bière immédiate » et les services des pompes funèbres sont informés du décès.

Si le décès a lieu au sein d’un établissement spécialisé (EPHAD, Centre hospitalier), un délai peut être donné à la famille pour venir voir le corps du défunt (voir plus bas).

Si un tel délai n’est pas possible, l’opérateur funéraire doit réaliser la mise en bière avant la sortie du corps de l’établissement.

Le professionnel est tenu d’informer la famille du défunt de sa capacité à assurer la mise en bière, s’il ne peut l’assurer dans les 24 heures, il devra en informer la famille afin que celle-ci recherche un autre opérateur funéraire.

Le décès de mon proche a lieu en EPHAD ou à l’hôpital, puis-je voir son corps ?  

Oui ou non, Il n’est pas interdit aux familles ou aux proches du défunt de venir voir le corps. Cela relève d’un choix discrétionnaire du chef d’établissement. Cependant, cette visite doit être réalisée dans le respect le plus strict des consignes sanitaires.

Ainsi, un délai peut être respecté entre la rédaction du certificat et la mise en bière (24h maximum).

Les proches du défunt ne sont pas joignables :

L’article R. 2213-8-1 du code général des collectivités précise que le directeur de l’établissement peut ordonner le transport du corps avant mise en bière vers une chambre funéraire et donc agir en lieu et place des proches s’il n’a pu joindre la famille dans les 10 heures suivant le décès.

Attention : si le cercueil est destiné à la crémation, il convient de recueillir du Maire de la commune l’autorisation de fermeture du cercueil et de s’assurer que le respect des formalités prévues aux articles L. 2213-14 et R. 2213-45 du code général des collectivités territoriales pourront être respectées.

4. Délai d’inhumation ou de crémation du cercueil

L’article R. 2213-33 du code général des collectivités dispose que :

« si le décès s’est produit en France, l’inhumation doit intervenir 24 heures au moins et 6 jours au plus après le décès; si le décès a lieu à l’étranger, dans une collectivité d’outre-mer ou en Nouvelle- Calédonie, l’inhumation doit avoir lieu 6 jours au plus après l’entrée du corps en France métropolitaine.

Les dimanches et jours fériés ne sont pas compris dans le calcul de ces délais.»

L’article 3 du décret n° 2020-352 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles funéraires en raison des circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de covid19, prévoit que le dépassement du délai de 6 jours à compter du décès pour procéder à l’inhumation ou à la crémation du défunt n’est, jusqu’à l’issue de la crise, plus conditionné à la dérogation du préfet, sous réserve qu’un délai maximal de 21 jours soit respecté.

A défaut, une dérogation de droit commun  doit être sollicitée et une déclaration sur la date effective des obsèques transmise a posteriori au préfet compétent pour délivrer la dérogation.

Y-a-il une obligation de cercueil en zinc ?

Il peut être imposé par certains opérateurs la mise en bière dans un cercueil de zinc au motif que les délais avant l’inhumation sont prolongés. Une telle obligation n’est pas légale et peut même s’avérer contraire à la volonté du défunt puisqu’elle empêche toute crémation.

Quel rôle de l’avocat en droit funéraire ?

L’avocat en droit funéraire va vous accompagner à faire respecter les dernières volontés de votre proche en agissant auprès de l’opérateur funéraire mais aussi en saisissant en urgence le tribunal judiciaire du lieu de décès. (Pour plus d’informations voir : Droit funéraire – Quels sont mes droits ?)

II.  Les actes des communes

1. Délais de transmission des déclarations de transport avant et après mise en bière :

L’article 2 du décret du 27 mars 2020 prévoit qu’avant de réaliser une opération de transport de corps, les services extérieurs des pompes funèbres ne sont plus soumis à une déclaration obligatoire auprès des services communaux .

Les opérateurs disposent d’un délai supplémentaire d’un mois pour réaliser cette démarche. Dans la pratique, il convient que les opérateurs funéraires transmettent ces documents le plus rapidement.

Il convient d’être particulièrement vigilant sur le traitement des opérations.

2. L’autorisation de fermeture du cercueil

Le maire est tenu de délivrer une autorisation de fermeture du cercueil (R. 2213-17 du code général des collectivités territoriales) et la situation liée au Covid-19 ne permet d’y déroger.

La transmission de cette autorisation peut être transmise par voie dématérialisée par le Maire ou un de ses adjoints. Les communes doivent disposer d’une adresse électronique sur laquelle les familles ou les opérateurs funéraires peuvent solliciter la délivrance d’une autorisation de fermeture du cercueil.

3. Surveillance des opérations funéraires

L’article 4 du décret n° 2020-352 du 27 mars 2020, dispose que la fermeture du cercueil ou le fait d’y apposer des scellés ne doit plus être nécessairement assuré par les policiers, le maire, son adjoint ou agent communaux.

En revanche, une surveillance est obligatoire lorsque le cercueil est destiné à être crématiser.

Attention : Les équipements funéraires des communes sont fréquemment proches d’un état de saturation mais la situation liée au Covid-19 ne doit pas conduire les collectivités à pratiquer des reprises administratives qui ne respecteraient pas les délais ou formalités prévues par le code général des collectivités territoriales (voir en ce sens : Quelles obligations pour les communes en matière de cimetière et droit funéraire ? ).

III.   Les cérémonies funéraires

Les cérémonies funéraires ont été grandement affectées par la pandémie de Covid-19 et les restrictions de déplacement auxquelles les Français ont été soumis. De nombreuses cérémonies ont donc été reportées ou ajournées.

Aujourd’hui, rien n’empêche la tenue d’une cérémonie funéraire en revanche, certaines communes ont pu limiter les rassemblements par le biais d’arrêtés municipaux spécifiques.

En matière de crématorium ou de chambre funéraire, il convient à l’opérateur en charge de l’équipement de préciser les conditions d’accès et les restrictions applicables (minimum de 2 personnes).

IV.   Les cas particuliers : Le transport international de corps et la mise en dépositoire

1.Le transport aérien du cercueil – Dom – Métropole / Métropole – DOM / France – Étranger

Tout d’abord, il convient de relever que tous les transports internationaux ne sont pas concernés par les nouvelles dispositions ; en effet, le transport international d’urnes funéraires n’est pas affecté par le Covid-19 et il s’effectue selon les règles générales (voir en ce sens : transport et rapatriement du défunt)

Cependant, le transport international d’un cercueil est lui sujet à quelques ajustements.

L’article R. 2213-22 du code général des collectivités territoriales dispose que :

« Lorsque le corps est transporté en dehors du territoire métropolitain ou d’un département d’outre-mer, l’autorisation est donnée par le préfet du département où a lieu la fermeture du cercueil. »

Ainsi, il peut être délivré des laissez-passer mortuaires permettant le transport du cercueil vers l’étranger dès lors que le défunt est placé dans un cercueil hermétique, quel que soit le motif du décès.

Certains pays peuvent exiger un « certificat d’absence de risque sanitaire » ou « certificat de non-contagion du corps du défunt » délivré par un médecin.

Ce type de document doit être délivré par les Agences régionales de santé. Cependant ces dernières ne délivrent plus de tels documents. Le transport du cercueil est alors impossible.

Si le transport du cercueil s’avère pour l’heure impossible alors celui devra être inhumé selon les règles de droit commun.

Attention – Mise en bière dans un cercueil non hermétique et transport aérien :

Si le cercueil du défunt n’est pas hermétique dès sa mise en bière, l’état actuel du droit ne permet pas une réouverture du cercueil, sauf à constituer une violation de sépulture (article 225-17 du code pénal).

Le Procureur de la République peut exceptionnellement autoriser à ce qu’un cercueil soit rouvert afin qu’un transfert du corps d’un cercueil hermétique vers un cercueil en bois soit effectué en vue de la crémation du défunt (technique du « dépotage »).

En revanche une opération inverse s’avère plus difficile à obtenir de la part du Procureur de la République. Ainsi, la solution à mettre en œuvre est d’équiper le cercueil d’un sarcophage d’acier afin que son transport aérien soit possible.

Quel rôle de l’avocat en droit funéraire :

L’avocat en droit funéraire va vous accompagner dans les démarches administratives et judiciaires nécessaires ou imposées afin de procéder au transport ou au rapatriement du cercueil de votre proche.

2. La mise en dépositoire

Le pouvoir règlementaire a réintroduit, avec l’article 8 du décret du 27 mars 2020, les dépositoires qui avaient été supprimés par décret en 2011. Cette solution vise à permettre le dépôt temporaire des cercueils.

Cette solution permet aux familles et proches des défunts de bénéficier d’une période supplémentaire afin de pouvoir organiser des obsèques conforment à la volonté du défunt.

Les dépositoires peuvent être gérés par les communes et les opérateurs funéraires.

Attention, l’article R. 2213-27 du code général des collectivités territoriales précise que le dépôt d’un cercueil dans un dépositoire pour une durée excédant six jours impose que le cercueil du défunt soit hermétique.

Ce choix de cercueil a un coût pour la famille et les proches du défunt.

V.   L’adaptation des règles aux professionnels

Il convient de préciser que l’instruction par les autorités préfectorales des demandes d’habilitation a été suspendue durant la période du confinement et perdurera jusqu’à la fin de la période prévue par la loi relative à l’Etat d’urgence sanitaire  (voir : Droit funéraire – les professionnels).

En conséquence, l’article 7 du décret du 27 mars 2020 prévoit la prorogation des habilitations devant arriver à expiration et ce jusqu’à la date du 31 décembre 2020. Le ROF « référentiel des opérateurs funéraires » doit bénéficier d’une prochaine mise à jour.

L’habilitation des véhicules funéraires bénéficie elle aussi d’un profond allégement des procédures et d’un report des formalités administratives (article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales).

VI.   Les textes et avis

LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19

Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période

Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

Décret n° 2020-352 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles funéraires en raison des circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de covid-19

Décret n° 2020-384 du 1er avril 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

Arrêté du 28 mars 2020 modifiant l’arrêté du 12 juillet 2017 fixant les listes des infections transmissibles prescrivant ou portant interdiction de certaines opérations funéraires mentionnées à l’article R. 2213-2-1 du code général des collectivités territoriales

Avis du Haut conseil de la santé publique du 24 mars 2020