Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision importante sur l’entrée en vigueur du contrôle technique des deux-roues motorisés, à l’initiative des associations Respire, Ras-le-scoot, et Paris sans voiture (CE, ordonnance, n° 462679, Association Respire, ordonnance du 17 mai 2022).
Le droit de l’Union européenne rend en effet obligatoire depuis le 1er janvier 2022 le contrôle technique des 2 roues. Plus précisément, il impose de soumettre périodiquement au contrôle technique les véhicules à moteur de deux, trois ou quatre roues de cylindrée supérieure à 125 cm (catégories L3e, L4e, L5e, L7e), sauf pour les États qui ont mis en place des mesures alternatives de sécurité routière basées sur des statistiques de sécurité routière pertinentes.
En droit français, un décret du 9 août 2021 a fixé au 1er janvier 2023 l’entrée en vigueur de cette obligation pour les véhicules immatriculés avant le 1er janvier 2016, et entre 2024 et 2026 pour les véhicules immatriculés à une date ultérieure. Le Gouvernement a par ailleurs annoncé renoncer à introduire tout contrôle technique mais sans modifier le décret.
Il n’était donc pas contesté que le calendrier prévu par les textes européens étaient méconnus. Par ailleurs, relève le juge, » la seule circonstance qu’une notification ait été adressée à la Commission européenne au titre des mesures alternatives de sécurité routière prévues par le 2° de l’article 2 de la directive 2014/45 du 3 avril 2014 du Parlement européen n’est, quel qu’en soit le contenu et en l’absence de mise en œuvre effective des mesures envisagées, pas de nature à justifier de la transposition de cette directive. »
Le moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de transposition de cette directive est, par suite, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la mesure contestée.
La décision est également intéressante s’agissant de la condition de l’urgence que le juge retient en s’appuyant sur plusieurs intérêts publics méconnus. L’intérêt public qui s’attache à la sécurité routière et à la protection des populations contre la pollution de l’air et contre les nuisances sonores des véhicules. Ainsi, selon le rapport du comité des experts présenté à la séance du Conseil national de la sécurité routière du 3 février 2021, « 23,4% des personnes victimes d’accident mortel en 2019 en France étaient usagers de deux roues-motorisés alors que leur part dans le trafic routier est estimée à moins de 2%, ce qui correspond à un risque 22 fois plus élevé pour ces usagers que pour les usagers de véhicules légers, alors que cet écart serait moindre dans les Etats qui ont instauré un contrôle technique des deux-roues motorisés ».
Le juge retient également l’urgence au regard de l’atteinte au droit de l’environnement compte tenu de « l’intérêt qui s’attache à ce qu’il soit mis fin immédiatement à une atteinte aux droits conférés par l’ordre juridique de l’Union européenne est au nombre des intérêts publics qui doivent être pris en considération par le juge des référés ».
En conséquence, l’exécution du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur est suspendue en tant que, par ses articles 6, 8 et 9, il reporte au-delà du 1er octobre 2022, l’entrée en vigueur de l’obligation de contrôle technique des véhicules de catégorie L3e, L4e, L5e et L7e de cylindrée supérieure à 125 cm3.