Clause Molière et recours à une SEMOP – CE, 8 février 2019 n° 420296

Le Conseil d’Etat a dans un arrêt du 8 février 2019 apporté d’importantes précisions sur les conditions de validité d’une clause imposant le français ainsi que sur la procédure de passation d’un contrat avec une SEMOP.

Conditions de validité d’une clause molière

Le Conseil d’Etat est revenu sur les conditions de validité d’une clause molière, du nom de la clause d’un marché public imposant l’usage du français.

Les clauses imposant le recours exclusif au français et qui avaient pour avaient pour effet sinon pour but d’interdire le recours aux travailleurs détachés avaient déjà été jugées irrégulières (TA Lyon, 13 décembre 2017 n°1704697). La jurisprudence admettait en revanche qu’un pouvoir adjudicateur impose la vérification du niveau suffisant de maîtrise de la langue française ou le recours à interprète pour expliquer aux travailleurs concernés leurs droits sociaux essentiels (CE 4 décembre 2017, n° 413366).

Dans sa décision du 8 février 2019 le Conseil d’Etat valide la clause et annule la décision rendue par la cour administrative d’appel. En l’espèce, il était imposé par le règlement de la consultation l’usage du français « pour les opérations préalables à l’attribution du marché et pour son exécution ».

Cependant, le Conseil d’Etat relève que le cahier des clauses administratives particulières permettait de recourir à un sous traitant étranger, et n’imposait pas dans cette hypothèse ni directement, ni indirectement l’usage ou la maîtrise de la langue française par les travailleurs étrangers susceptibles d’intervenir ».

Constitution d’une SEMOP

L’outil Société d’économie mixte à opération unique permet à un pouvoir adjudicateur dans le cadre d’une procédure unique, de choisir l’actionnaire pour constituer la SEMOP et d’attribuer à cette dernière un contrat de la commande publique (loi n° 2014-744 du 1er juillet 2014). Le contrat est donc attribué à la SEMOP et non à l’actionnaire opérateur économique. Or dans cette affaire, l’acte d’engagement avait été signé par l’actionnaire et non par la SEMOP qui n’était pas encore constituée. Le tribunal administratif avait cependant permis aux parties de régulariser la signature du contrat. Le vice ayant été régularisé, le moyen ne pouvait dès lors plus prospérer devant le Conseil d’Etat.

Restant une seconde question tirée de la méconnaissance de l’article L. 1541-2 du code général des collectivités territoriales au terme duquel l’AAPC doit comprendre un document de préfiguration. Ce dernier est composé des « principales caractéristiques de la Semop » de « la part de capital que la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales souhaite détenir » et enfin du »coût prévisionnel global de l’opération pour la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales et sa décomposition ».

En l’espèce, il était soutenu que ce document était imprécis faute de contenir les projets de statuts et de pacte d’actionnaires. Le Conseil d’État rejette ce moyen en rappelant que le CGCT n’impose pas à l’acheteur qui souhaite constituer une Semop « de fixer par avance de manière intangible dès le stade de la mise en concurrence tous les éléments des statuts de la Semop et du pacte d’actionnaires « . Au contraire, « les statuts de la SEMOP ainsi que, le cas échéant, le pacte d’actionnaires conclu sont arrêtés et publiés à l’issue de la mise en concurrence et de la sélection de l’actionnaire opérateur économique. »

Références de la décision: CE, 8 février 2019, Société Veolia Eau – Compagnie générale des eaux, req. n° 420296.