Les droits d’administration des pages de réseaux sociaux ont le caractère de biens de retour

Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision intéressante sur le régime des biens de retour des délégations de service public à l’heure des réseaux sociaux. La question portait sur le sort des pages de réseaux sociaux afférents aux services publics en fin de contrat. Le Conseil d’Etat juge que les droits d’administration des pages des réseaux sociaux – et donc la possibilité de reprendre la gestion de ces pages – sont considérés comme des biens de retour dès lors qu’ils sont nécessaires au fonctionnement du service public.

L’affaire portait sur une délégation de service public attribuée par la commune de Nîmes à Culturespaces, portant sur l’exploitation culturelle et touristique des Arènes de Nîmes, de la Maison carrée et de la tour Magne. Une mission de communication était prévue à la charge du délégataire, notamment via les réseaux sociaux. La commune souhaitait récupérer les biens de retour à l’issue de la communication et a déposé en ce sens un référé mesures utiles.

Le Conseil d’Etat admet tout d’abord l’usage du référé mesures utiles dès lors que « la restitution par le concessionnaire des biens de retour d’une concession, dès lors qu’elle est utile, justifiée par l’urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse, est au nombre des mesures qui peuvent ainsi être ordonnées par le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, afin d’assurer la continuité du service public et son bon fonctionnement ».

Le Conseil d’Etat considère que » si les parties au contrat de délégation peuvent décider la dévolution gratuite à la personne publique d’un bien qui ne serait pas nécessaire au fonctionnement du service public, elles ne sauraient en revanche exclure qu’un bien nécessaire au fonctionnement du service public lui fasse retour gratuitement » » Le juge considère dans cette affaire que les droits d’administration des pages des réseaux sociaux relatives aux monuments faisant l’objet du contrat étant nécessaires au fonctionnement du service public tel qu’institué par la commune, ils doivent lui faire retour gratuitement au terme du contrat.

Le juge considère que « les droits d’administration des pages des réseaux sociaux relatives aux monuments faisant l’objet du contrat étant nécessaires au fonctionnement du service public tel qu’institué par la commune de Nîmes » et doivent donc revenir à la commune en fin de contrat.

Dernier point intéressant, le juge administratif affirme sa compétence nonobstant les problématiques de propriété intellectuelle. En effet, si le code de la propriété intellectuelle prévoit que les  » actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique (…) sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires », le juge considère que « les demandes de la commune de Nîmes ne tendent toutefois qu’à la restitution de différents supports, matériels ou non, ainsi que des droits d’administration de pages hébergées sur les réseaux sociaux, sans préjudice des éventuels droits de propriété intellectuelle relatifs à ces supports ou aux contenus hébergés par ces pages »

 

Référence: Conseil d’État, 16 mai 2022, n° 459904